Catégories
Non classé

ISTANBUL – ERZURUM

Chaque matin, c est le même cérémonial pour ce groupe des Irreks. On check la liste des BIG FIVE à ne pas oublier : passeport, carte grise, assurance, clefs, carte de crédit. Sans oublier notre certificat international de vaccination. Puis l’homme et sa machine se connectent pour préparer le départ. Chargement équilibré des valises, mise en place du GPS, effacer la trace de la veille, zoomer l’écran pour vérifier où on va, afficher la trace du jour, vérification des pressions de pneus d’un petit coup de botte sec, allumage de la balise Inreach et vérifier le remplissage des gourdes d’eau. Puis le pilote passe en mode robotique pour finaliser sa préparation de façon quasi systématique : un peu de crème solaire sur le pif pour certains, caresser la photo d’un proche sur son tableau pour d’autres, checker ses fixations de bottes, enfiler sa veste, son tou de cou, ses gants puis ses lunettes de soleil. Enfourcher son destrier, lui mettre une petite tape amicale sur le flanc, démarrer la bête, vérifier les indications, sortir une dernière grosse connerie pour faire rigoler son voisin de parking, se coordonner avec le petit groupe avec lequel on s’habitue à rouler puis enclencher la première pour appuyer sur le bouton bonheur.

Le 18 juillet, après d’intenses recherches et un gros mensonge de la police Bulgare, on a retrouvé Gilles Chauve vivant dans le sud de la Bulgarie, dans la zone envisagée dans les 20 derniers km avant la frontière.  On ne le trouvait pas car il était au gniouf. Mis en cage par des policiers véreux et corrompus qui l’ont dépouillé et piqué tout ce qui était sur sa moto et racketté. C’était donc un flic bulgare qui regardait les messages qu’on envoyait sur le téléphone de Gilles pendant 2 jours sans réponse. Il a réussi a rejoindre un hôtel pour se laver, se reposer, reprendre contact avec ses proches et notre groupe des Irreks. Il a décidé de poursuivre sa route malgré tout pour nous rejoindre en Turquie. Je lui ai donné notre feuille de route jusque’à Erzurum et c’est là qu’il doit nous rejoindre le 24 Juillet. Il passe la frontière turque le 19, arrive a Istanbul, et fonce dans le grand bazar pour se racheter ce que la police bulgare lui a volé. Pas facile de trouver des bottes en 49 pour Big Foot… Il reprend la route vers Ankara le 20 mais peu après son boulot le rattrape et lui donne un gros coup de bambou derrière la tête. Un dossier vital non finalisé en son absence l’oblige à abandonner son voyage et à rentrer en France… En 39 participations à des grands raids moto (dont de nombreux Dakar) il n’a jamais abandonné mais cette fois ci il doit jeter l’éponge sur son FRANCE JAPON… Décidément, ce Big Foot, tout le monde en parle mais on l’a toujours pas vu… Quel dommage, c’était un puits de science sur l’histoire des motos Honda et leurs évolution techniques… Et aussi un aspirateur à galères.. :)))) Ce sera pour une autre fois. Bon retour Big Foot et sois prudent.

Big Foot ayant été retrouvé, après une étape solo de 780 km sur mon Aftwin JOEY, entre Alexandropouli et Afyonkarahisar, j’ai retrouvé mon gang en pleine forme malgré la canicule. Ce groupe commence à se consolider autour d’une dérision constructive et une relativisation conviviale. Ils s’adaptent à tout, ont assimilé les principes de prudence. La sortie de Istanbul a été rendue compliquée par le fait que le  ferry n’a pas voulu prendre nos motos et véhicules d’accompagnement, et que les Irréductibles ont du faire tout le tour via l’engorgé pont du Bosphore puis celui de I’Osman Gazi, jusque’à Yalova, de l’autre coté de la mer de Marmara, soit 130 km en pus des 420 de la journée. Mais aucun n’a ralé et le soir ils se racontaient leur aventures respectives en riant.  Comme dans le village des gaulois d’Astérix..

La Cappadoce reste le caviar de cette section entre Istanbul et Erzurum avec 2 nuits à Urgup pour bénéficier d’une vrai repos et d’une découverte de cette région fabuleuse. L’hôtel familial de mes amis Halil, Brigitte et Selim restent notre camp de base préféré depuis 2012 et des hôtes hors du commun. Ils sont devenus ma famille Turque. Le 19 février au matin, les Irreks se lèvent à 3H45 pour remplir un petit bus qui vient les chercher pour les amener au point de départ des montgolfières. Une série de fou-rires indescriptibles envahi notre bus durant tout le trajet, suite à des blagues à la con qui fusent dans ce groupe de joyeux fous-dingues… Mais une fois installés tous ensemble dans notre nacelle et élevés dans cette nuit mourante, nous devenons contemplatifs, tout e gardant cet humour si particulier. Une fois en plein vol au dessus de cette Cappadoce au relief magnifiquement sculpté, nous regardons notre patron le soleil se lever doucement…. Avant de partir dans un fou rire incontrôlable… Le pilote fait descendre puis monter son ballon plusieurs fois ce qui fait que nous avons droit à 3 levers de soleil en quelques minutes… Un grand moment de rigolade ! Et quand Pierre Faure commence à rigoler, impossible de résister !…

Une fois sur terre et rentre à l’hôtel pour le petit déjeuner à 6H50, les Irreks passent leur journée à flâner à pied ou vadrouiller à moto. Avec Thierry Renavand, le photographe de l’expé, on se dit que ce serait bien de retourner aux ballons demain tout pour tenter des images spéciales. Le 20 juillet, on se relève à 3H45 pour aller chasser les “méduses aériennes“. On retourne sur un site sauvage surélevé pour dominer un paysage morcelé, d’où on entend les ventilateurs qui gonflent les méga-toiles. Des champignons sombres comment à pousser un peu partout autour de nous puis les premières lueurs du patron commence à les éclairer pour nous offrir un spectacle grandiose !… Nous shootons nos images d’Africa Twin sous un ciel “médusés“, et finissons notre séance sur une plaine où des dizaines de montgolfières atterrissent sur le sol au moment ou le soleil se lève… Juste fantastique !!!!

La journée ne fait que commencer,  et 1 heure plus tard le groupe des Irreks prend la route du sud Est pour viser Kharamanmaras, à 80 km au nord de la frontière Syrienne. Le lendemain nous remontons un peu vers le Nord Est pour aller découvrir le site fabuleux de Nemrut Dagi, en profitant de cette route pavée de 20 km qui monte de façon vertigineuse jusqu’au tumulus du roi Antiochios 1er. Une fois arrivés à moto au pied de cette montagne il faut encore parcourir 500 m de marches ardues sous le canard pour atteindre le site. Bruno Glandy qui a pris pas mal de poids après avoir arrêté de fumer souffre et souffle mais ne rompt pas. Tant bien que mal, avec un poil de soutien moral des copains, il rejoint les hauteurs du site et dédie son effort à son petit frère qui s’est retrouvé dans un fauteuil roulant sans que personne ne sache pourquoi. Tous fiers de lui ! Le soir nous nous rafraîchissons  en rigolant dans la belle piscine d’un hôtel 3 étoiles proche de Nemrut Dagi, surplombant la vallée. Encore un instant de bonheur collégial…

Durant nos journées de roulage 2 groupes de 4 et 6 motards se sont formés et évoluent de façons solidaires et coordonnées. Chacun veille sur les autres, ils s’attendent, ont enfin baissé un peu la cadence pour entrer en mode “exploration“ en respectant l’adage de T3 “I don’t go fast, I go far“.. La journée du 22 juillet vers Batman se termine par quelques dizaines de km de pistes que nos Irreks savourent.  La solidarité est en train e cimenter ce groupe. Lors de l’ascension du Nemrut Dagi, Eric Jeannin est resté avec son copain Bernard qui avait du mal et ont fait demi tour ensemble. Deux jours plus tard c’est Bernard qui s’occupe d’Eric qui a une brosse crève et galère sur sa moto lors des gros roulages. Bernard l’accompagne en permanence pour qu’il ne soit jamais seul. C’est c’est esprit là qui fait que j’aime l’univers de la moto… L’étape entre Batman devait être un morceau de bravoure sur la deuxième partie mais des militaires nous demandent de ne pas suivre notre trace comme prévu dans les montagnes car ils ont eu des affrontements récents avec les factions du PKK. J’imagine que pour les policiers ou militaires effectivement c’est dangereux mais pas pour nous. La preuve le premier groupe de 4 sont passés sans aucun soucis, alors que le reste des troupes doit se farcir un grand détour de 230 km pour rejoindre Van… C’est de Van que notre ami Hervé Fieujean, réalisateur du film de cette expédition doit rentrer en France pour des tournages qu’il n’a pas pu annuler. Il est remplacé dès ce soir par Maéva Bardy qui restera avec nous un mois jusqu’à Almaty.

A Van je change les plans de ce voyage, car on devait partir demain à la frontière Iranienne de Bazargan, mais on passe au plan B. Le nouveau plan est de faire un détour de 3 jours via Erzurum pour assurer le passage en Iran. Après tout, ce n’est pas le plan qui compte, mais le voyage. J’offre donc une journée de repos complet à Erzurum pour Dimanche 25 juillet. Nos derniers instants dans un monde où nous avons nos repères occidentaux. A partir de l’Iran, jusque’à la fin du voyage, on va quitter notre zone de confort, pour explorer la signification du mot Aventure. La question essentielle reste posée : aurons nous l’autorisation d’entrée en Iran, pays fermé depuis mars 2020…

Photos T3 – T. Renavand – E. Massiet du Biest