Bernard est sans doute le compagnon de voyage idéal. Réservé mais social, aventureux mais raisonné, placide mais efficace, et toujours prêt à rendre service avec altruisme. Pour l’énerver, il faut vraiment pousser le bouchon très loin, et encore. Il arrive toujours à se raisonner. Sauf peut être des fois , quand il bricole sa moto dans son garage et qu’il arrive pas à faire un truc, ça peut lui arriver de balancer un outil par terre… La maîtrise de ses émotions est un excellent atout qui lui permet de réaliser cette grande expédition à moto dont il rêvait depuis si longtemps.…
“Mes parents étaient anti moto. Mon père me disait que tant que je vivais sous leur toit, je ne ferai pas de moto. Alors tout gamin, j’allais chez Emmaus, pour récupérer des morceaux de mobylette bout par bout au fil du temps. Et au bout de quelques mois, je me suis reconstitué une mobylette Motobécane bleue complète… Mon père s’est foutue de ma gueule en me disant que si ce tas de ferraille démarrait, il me paierait ‘assurance. C’est comme ça que j’ai pu rouler libre et assuré avec mon premier 2 roues. A 18 ans j’ai acheté ma première moto, une 350 RD Yam 2T avec laquelle j’arrêtait pas de ma casser la figure car trop puissante pour mes capacités de pilote. Après quelques passages à l’hosto , mon père m’a demandé de prendre une moto plus sage et je suis passé à la BM 750 série 5 après l’armée.
J’ai fait des études d’électromécanique mais je n’ai pas aimé. Alors pendant l’armée j’ai passé mon examen pour être moniteur auto école, puis moniteur moto. Ainsi, après l’armée j’ai été moniteur auto, moto et camion école pendant 5 ans. Mais j’ai compris que je préférais conduire les camions moi même plutôt que d’apprendre aux autres à les conduire. Alors j’ai passé mon examen de transporteur camion en 1985, j’ai loué un camion tracteur de semi remorque et j’ai commencé à rouler, avec ce grand rêve d’aller faire du transport international vers les pays du moyen orient (Irak, Iran, Jordanie..). Mais à l’époque les frontières étaient compliquées et il fallait plusieurs semaines pour entrer dans un de ces pays en camion. J’ai donc fait de l’européen pendant 6 ans. Quand on a eu nos enfants avec mon épouse, pour ne pas trop m’éloigner, j’ai fait du régional et me suis vraiment ennuyé sur les routes. Alors j’ai acheté d’autres camions que j’ai confié à des chauffeurs et me suis concentré sur le management de ma petite entreprise – Transport Beauvois – qui a eu jusque’à 25 camion semi-remorques. En 2018 j’ai arrêté mon activité et vendu mon entreprise après 35 ans de transport en faisant des journées de 4h00 du ma jusque’à 18h00 chaque jour…
C’est un des points communs que j’ai avec mon compagnon de chambrée dans cette expédition, Jean Marc Trividic, qui lui aussi se lève très tôt tous les jours et travaille dur en 7/7 comme taxi. Ca a vraiment bien fonctionné entre nous et ce fut un excellent compagnon de voyage.
Mon père aimait voyager et ça m’a toujours trotté dans la tête… Mais avec le boulot et la famille, je suis rentré dans le “tube“ de la vie pendant quelques décennies; Mon premier grand voyage moto est ce France Japon 2021. Je ne pensais pas que je pourrais faire ça un jour. Aujourd’hui, même après être arrivé à Vladivostok, j’ai encore du mal à réaliser…
Je suis un ch’ti du nord et un jour en allant chez Motoblouz, j’ai suis tombé en arrêt devant la moto poussiéreuse d’Eric Massiet qui était en exposition et qui revenait d’une expédition de 3 mois entre Bangkok et Paris. J’ai pêté un câble et me suis dit que c’était ça que je voulais faire, alors je me suis inscrit au TOKYO PARIS 2020, devenu le FRANCE JAPON 2021.
Quand mes copains motards du nord sont venus me souhaité bon voyage à Paris pour le départ officiel, j’ai vu qu’ils étaient émus avec une petite larme au coin de l’oeil. Et j’ai compris que je partais réaliser un grand rêve, à la découverte de civilisations différentes, de paysages grandioses et d’une expérience de vie spéciale. Je suis plutôt réservé et ai du mal à aller seul vers les autres. Alors du coup, le fait de voyager en groupe et d’être libre d’évoluer à 2 ou 3 en suivant le roadbook, ça me permet de profiter des rencontres humaines engendrées par nos bécanes aventurières. Ca m’aide beaucoup à mieux profiter de mon voyage. En plus, dans les pays d’Asie Centrale, ce sont les gens locaux qui viennent spontanément vers nous et ce n’est que du bonheur.
La moto en tant que telle n’est pas importante pour moi, c’est un outil de voyage et celle là va très bien. Je suis bien sûr déçu de ne pas aller au Japon jusque’à l’usine de Kumamooto mais la pandémie a eu raison de notre objectif final. La Mongolie est un regret aussi mais ils ne nous acceptaient uniquement sans nos motos. C’était pas l’esprit du voyage.
Je n’avais aucune expérience de off-road avant le départ. J’avais fait à peine 1 km de piste une fois lors d’un voyage en Grèce avec des potes et j’avais failli me gamellé 3fois. J’appréhendais beaucoup ces pistes du voyage avant le départ, mais après le stage de formation T3 dédié au voyage aventure, ça m’a permis de comprendre les fondamentaux et maintenant je suis à l’aise. J’ai adoré notre “commando“ dans les bourbiers d’une piste improbable en Sibérie il y a quelques jours. C’était en option mais ce fut une bonne expérience. On a vraiment fait les cons mais on a su s’arrêter à temps. L’avantage de l’âge…
A Istanbul, quand on n’a pas pu prendre le ferry, j’ai été “obligé“ de passer sur le pont du Bosphore entre Europe et Asie et ce fut un moment magique pour moi… Et dans l’Est de la Turquie, on a été 3 à pouvoir passer à travers les barrages (les soldats turcs étaient sur leurs téléphone et ont ensuite bloqué le reste du groupe qui a du faire un détour) et à explorer les montagnes du Kurdistan à travers des petits villages où on était accueillis de façon incroyable. Perdus dans ces montagnes kurdes avec des gens qui n’avaient rien et nous offraient des loukoums avec le bonheur dans les yeux de voir des étrangers… Ce fut un grand moment.
Je ne verrais plus les choses de la même façon après ce voyage. Je suis très heureux de rentrer à la maison… mais je vais avoir du mal à rentrer. Je suis marié heureux depuis 40 ans et ai 2 super enfants, mais ce mode de nomadisme vers l’aventure est une vie incroyablement riche..
rpt
Quand j’ai fait mon sac T3 avant de partir, malgré la liste recommandée par Eric, j’en ai mis le double et ai rempli mon sac à fond. Après à peine 3 semaines, je me suis rendu compte que j’en avais beaucoup trop, j’ai gardé un petit baluchon dans ma moto avec l’essentiel et depuis 2 mois, mon sac de voyage est resté dans le camion, je ne m’en suis pas servi… Plus on va loin, moins on a besoin de choses… Le fait de côtoyer d’autres façons de vivre, on comprend que le bonheur n’est pas matériel. Je suis devenu nomade et l’après voyage va être compliqué dans ma tête…“
Photos T3 – T. Renavand – E. Massiet du Biest