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T3 WORLD TOUR

Sciences et vacances

Ghislain ROY et son infatigable « Petit Poney« 

Sa première moto, il ne l’a pas gardée longtemps… C’était une Yam 400XS qu’il a craschée au bout de quelques jours en essayant de suivre un copain dans les Alpes qui avait beaucoup plus d’expérience que lui. Depuis, les rôles ont été inversés et ce sont ceux qui cherchent à le suivre dans les virolos alpins qui ont tendance à faire de l’huile… Son premier vrai voyage moto, c’était une virée dans les Rocheuses aux Etats Unis jusqu’au Colorado, quand il vivait en Californie.  Sa mère était une vadrouilleuse qui traînait son père vers des destinations où il ne voulait pas aller mais d’où il revenait toujours enchanté : Russie, Arménie, Paraguay, Ile de Pacques.. En 2019, il effectue son vrai grand voyage Aventure moto à 55 ans en participant au raid FRANCE PERSE de T3 entre Paris et Persepolis et ça lui plait tellement que 3 ans plus tard il décide de s’inscrire sur la totalité du T3 WORLD TOUR et d’y cramer tout son capital de RTT !…

Quand il était gamin, Guislain était abonné à 2 magazines : “La Hulotte“, spécialisé sur la vie des bestioles et le magazine “Pour la Science”. Il les adorait mais n’en a pas trop de souvenirs car son oeil droit souffrait d’amblyopie et d’une vision parasite, ce qui rendait difficile de lire longtemps. “Mais ces magazines m’ont ouvert l’esprit et j’ai commencé à me poser des questions devant la nature ou des objets et à chercher des réponses dans l’observation. J’ai compris très tôt que si on pose une question et que quelqu’un y répond, ce n’est pas de la science. Car le scientifique va verser lui même la réponse à sa question en se basant sur les observations pour acquérir ses propres réponses, tout en montant sur les épaules de ceux qui nous ont précédés et qui ont partagé leur savoir.“

Dans la vie de tous les jours, la science fondamentale n’a aucune utilité mais la science appliquée à une utilité extraordinaire ! C’est le moteur de l’avancée technologique et sociétale, même pour nos motos dont l’électronique évolue et influence notre pilotage… Mais avoir un esprit scientifique ne veut pas forcément dire être un surdoué dans un domaine donné. Cela peut être l’envie d’observer, de se poser des questions sur le monde, sur les comportements, sur les outils, sur les attitudes par rapport à nous. En cherchant les réponses à cela, alors interviennent les rencontres. Si on ne se pose pas de questions sur ce qu’on voit, alors on rate son voyage. Les touristes se “disent : tiens c’est different, c’est exotique”. Ce qui est important aussi, c’est qu’est ce que ça m’apprend de moi. Je ne m’arrête pas à la différence, j’essaye aussi de regarder en moi mes propres façons de faire, mes outils de fonctionnement. Un voyageur ne s’arrête jamais à “tiens, c’est différent de nous”. Il cherche à comprendre par l’observation, sans juger ni comparer à ses propres références. Certaines populations ont des millénaires de fonctionnement donc ils ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font, de la façon qu’ils le font; Il faut aller chercher cette bonne raison. C’est aussi cela la science.

C’est en 2019, lors de sa participation au raid France Perse de T3 que son audace de motard s’ouvre au Monde. C’est là qu’il a découvert le voyage au long court à une époque de sa vie où l’appel de l’ailleurs se faisait de plus en plus présent. En tant que scientifique au CNES de Genève, Ghislain a accumulé quelques dizaines d’années de boulot acharné et engagé qui lui ont généré un pactole de RTT dont son patron ne savait plus quoi faire. Donc lorsque la brochure du T3 WORLD TOUR 2022 a atterri dans sa boite mail et qu’il en a évoqué l’idée à son patron, ce dernier n’a eu qu’un mot : “FILE !”

Après la pandémie du Covid, une petite voix avait déjà suggéré dans sa tête que partir profiter du monde n’était pas une mauvaise idée, surtout avec son baluchon de RTT. Ce qui a joué en faveur de son inscription sur la totalité du T3 World Tour fut cette fameuse idée toute simple : “pourquoi pas ?”.. Oser se mettre en danger, faire un grand saut vers l’inconnu et se poser ces fameuses questions : comment vais-je supporter d’être loin de chez moi pendant 18 mois ?  Aurais-je des moments de nostalgie ? Vais-je me lasser des hôtels, de ma vie de bohème ? Mais c’était aussi une opportunité exceptionnelle d’aller explorer son inconnu intérieur. Dès qu’il en a parlé autour de lui, à sa famille, ses amis ou ses collègues, chaque personne se projetait dans cette idée de tour du monde pour elle même et offrait donc ce spectre large des positifs et des anxieux. Ca a permis à Ghislain de se placer dans ce spectre qui lui servait de miroir et d’y trouver SA propre décision. 

Et le 1er Avril 2022, il a enfourché sa R1200GS rabaissée de 2016, surnommée “Petit Poney” pour partir à mes côtés sur un tour du monde prévu sur 18 mois à travers une cinquantaine de pays sur près de 80.000 km. Et ce scientifique ouvert à tous les sens de la vie s’est retrouvé “hors sol” à plusieurs reprises, à chaque découverte de nouvelle culture. Lors de la traversée du désert du Balochistan à l’ouest du Pakistan, on s’est retrouvés face à des “barbus armés de kalachnikovs” mais dès qu’il leur a décoché un sourire, ils lui ont souri en retour et il a partagé quelques discussions décontractées et conviviales avec eux, sans jugement. En Indonésie, le seul restau disponible à l‘heure du déjeuner était un boui-boui à l’hygiène douteuse mais qui, au final, s’est révélé excellent avec un super service, même dans un contexte pauvre et démuni. Ca apprend à vivre loin de ses préjugés. Sur le Salar d’Uyuni inondé en Bolivie, Ghislain décolle pour de bon : “la nature t’offre des merveilles et t’apporte des questionnements qui touchent à l’existentiel. Je sais qui je suis mais ce spectacle là me bouge car il existe indépendant de moi, donc tant que je l’ai pas vu je ne peux pas faire union avec.  Quand je suis sur ma moto et techniquement hors goudron, je suis psychologiquement très souvent hors sol, en pilotant en mode automatique dans une sorte d’abandon au sein d’un décor perturbant.  Le fait de pencher ma moto dans des angles successifs, c’est être en accord avec ce paysage et d’y participer“..

En mode médidation sur le salar d’Uyuni

En Indonésie, après avoir traversé les 7 grandes îles de l’archipel au sein de notre petit groupe T3, avec son compère Rémi, ils décident de rester sur place pendant que nos motos sont expédiées de Dili (East Timor) vers Carthagène (Colombie) pour la suite du T3 World Tour. Ils louent alors 2 petites Kawa 250 cc, y harnachent leurs petits sacs et partent explorer ce qu’on n’avait pas pu faire lors de notre raid KOMODO 2022 : l’île de Borneo et l’île de Sulawesi. Au total, les 2 lascars auront vadrouillé l’Indonésie à moto 5 mois durant sur près de 65.000 km, comme si de rien n’était. Et c’est là que Ghislain a vécu un déclic intérieur, un rapprochement de l’ailleurs et une mue vers une peau intérieure d’aventurier. En Indonésie, le Ghislain timide et réservé est devenu Ghislain le vadrouilleur affirmé et libéré. Une porte s’est ouverte en lui.

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En Amérique du Sud, il a retrouvé son “Petit Poney” après quelques déboires de logistique, durant lesquels il a roulé avec une F650 GS de 2008. Mais s’il devait repartir sur un autre tour du monde moto, il choisirait une autre bécane, plutôt entre 400 et 500 cc, pas trop haute et moins lourde. Avec ces 1m70 ce n’est pas toujours facile pour lui de maîtriser les variations d’angles de sa GS à basse vitesse et il a dû apprendre à tomber pour accumuler les gamelles sans broncher. Car, au final, une moto qui avale les continents à 80 ou 90 km/h de croisière ça suffit largement pour progresser et profiter. Les gros cubes bourrés de chevaux n’ont aucun intérêt pour un voyage aventure au long cours.

Coté accessoires, celui qui est le plus important à ses yeux reste son appareil photo, qui lui permet d’ancrer les souvenirs dans son vécu, même s’il fait beaucoup moins de photos que son comparse Rémi GUILLET. Ils ont vite fait connaissance dans ce T3 WORLD TOUR car, dès le départ de France, j’avais choisi de leur attribuer la même chambre partagée, puisqu’ils étaient partis tous les deux sur la totalité du T3 WORLD TOUR (que Rémi faisait 3 ou 4 mois en tant que client puis en tant que technicien T3 pour le reste). Ils ont appris à se connaitre, avec des caractères différents mais complémentaires. Pour Ghislain, une amitié ne se décrit pas, elle est, se voit et se ressent. Mais ce n’est pas scientifique. 

Une fois arrivés à Ushuaia, après avoir partagé un an de T3 WORLD TOUR ensemble à travers l’Europe, les Balkans, l’Asie Centrale, l’Iran, le Pakistan, l’Inde, l’Indonésie et la traversée de l’Amérique du Sud, Ghislain a réfléchi et a convaincu Rémi (sans trop d’efforts) de poursuivre leur tour du monde seuls. Ils avaient prévu tous les deux de partir de chez eux pendant 18 mois et ils s’y tiennent. Au lendemain de mon départ d’Ushuaia, ils ont pris la route avec leurs 2 motos d’Ushuaia avec l’objectif de rejoindre Prudhoe Bay, tout au nord de l’Alaska… Ils souhaitent aller au bout des choses, et sans pouvoir poursuivre ce tour du monde comme prévu, ils en changent la forme en partant seuls sans assistance. Ce T3 World Tour leur a servi de tremplin et d’apprentissage pour oser voyager seuls. Avant, ils n’osaient pas, maintenant ils s’en savent capables.  En remontant l’Amérique du Sud, ils vont retrouver quelques endroits qu’ils ont adorés mais aussi explorer des territoires inconnus : Uruguay, Brésil, Paraguay et bien sûr une demi douzaine de pays d’Amérique centrale. L’Alaska sera le dessert de leur tour du monde.  Rémi et lui sont actuellement en train de retraverser la Bolivie par le Nord, avant de retrouver le Pérou qu’ils exploreront via le Lac Titicaca, Cusco et le plus de montagnes et pistes possibles.

En un an de T3 World Tour, Ghislain a appris à relativiser beaucoup de choses. Finalement, il y a peu de choses qui sont très importantes et le reste ne fait que passer. Il a appris aussi à prendre confiance en lui, en sa capacité de partir sans filet, de rouler, rencontrer, expérimenter… Il se sent capable de poser son sac quelque part si ça lui plait.  Il y a eu déjà quelques endroits dans cette année de tour du monde où il s’est promis de revenir passer plus de temps :

– l’Iran avec ces gens accueillants, cultivés et leur histoire qui dépasse tellement la nôtre.

– l’Indonésie et ces gens simples, agréables, ouverts vers les autres. Il y passerait bien sa retraite.

– le Népal, tellement riche en relations entre les gens quels qu’ils soient; Personne ne peut être ignoré là-bas, tout le monde a besoin des autres…

Il réfléchit parfois à passer sa future retraite à enseigner les sciences à des jeunes étudiants motivés mais n’ayant pas toujours accès aux outils d’une éducation scientifique. La science est une porte pour tous vers l’avenir…

Traversée du désert de Balochistan au Pakistan

Ce petit reportage sur le tourdumondiste Ghislain Roy, je l’ai fait avec plaisir à Ushuaia en mars dernier avant de se séparer : il continuait mon tour du monde à sa façon, tandis que je devais écourter ma participation pour faire face aux réalités économiques. Mais comme durant la totalité de notre année partagée à vadrouiller le monde ensemble, j’ai adoré nos échanges …

Dis moi Ghislain, on est les seuls dans l’univers ?
J’en sais rien, notre connaissance l’univers est très limitée, on découvre des exoplanètes et des  “mondes habitables”. Mais qu’est ce que la vie et quelle est notre conscience en nous ? Difficile d’y répondre. Je pense  qu’il existe 2 niveaux de vie, intérieure et extérieure. On connait l’apparition scientifique de la vie (les plantes, amibes, champignons) mais ça n’en fait pas quelque chose à laquelle on peut se relier.  Depuis ce tour du monde, je m’intéresse de plus en plus à l’autre vie, je cherche à savoir si on est les seuls êtres conscients et si on peut se relier à cette vie intérieure. Ce ne sont que de hypothèses, il faut approfondir…

Qu’est ce qui te manque de ton boulot ?
La stimulation intellectuelle.

Qu’est ce qu’il manque dans ta vie ?
Plus de vacances…


Article d’Eric Massiet du Biest