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Mer 24 Avril – Un bel esprit d’Aventure !

DEFINITION DE L’ESPRIT D’AVENTURE

Récemment je discutais avec mon ami Prasit qui me disait “je ne fais jamais confiance aux gens que je ne connais pas”.. C’est a méditer, dans les deux sens..

Hier mercredi c’était un peu comme dans un film de James Bond, vous savez cette fameuse premiere scène du film , juste avant le générique, forte en action et qui vous fait rentrer a fond dans l’histoire…

Réveillé a 6h30 pour attaquer une grosse journée . Petit dej et préparation des sacs, car on a changé  les plans. Les douanes nous ont fait perdre une journée . Les Foggs partent donc a Sukhothai en navette a 8h00 car les motos ne sont libérées que debut d’après midi aujourd’hui. Et par sécurité, je ne veux pas les faire rouler de nuit et sur une longue premiere étape . Avec Bruno on se débrouillera pour libérer nos bécanes et les amener a Sukhothai..

A  9h00 on débarque a Laem Chabang, le port principal de Thailande, veritable mégapole de containers ! Accompagnés par Prayuth, l’agent de douane local de notre transitaire Fracht, on arrive a notre container de motos deja ouvert. On a 5 manutentionnaires a notre disposition, un petit gang super souriant et motivé, il fait 43 degrés dehors et dans le container c’est l’enfer…On a organisé 3 camions porte auto pour charger nos motos mais ils sont en retard. Vers 9h30, Prayuth m’annonce une mauvaise nouvelle en raccrochant son telephone. Popeye ne peut pas être débloqué de la douane car il faut fournir un passeport français en caution en face du véhicule. On sait depuis 3 ou 4 semaines que les Thais n’acceptent pas de camion d’occasion importés sur leur territoire, meme en transit car ils protègent leur marché national, qui est bien sur gangrené par des trafic illégaux en tour genre. Toujours pareil : un marché sur taxé donne toujours naissance au trafic illégal ou a la triche. On avait réussi jusqu’a present a négocié que le container de Popeye soit expédié sur camion jusqu’a Chiang Kong juste avant la frontière du Laos. Mais ce matin ca bloque a la dernière minute. Pas de passeport français, pas de Popeye. Pas de Popeye, pas d’expedition. Equation simple. On est 11 français et nos passeports ont permis de dédouaner nos 11 motos. C’est l’impasse.

Je réfléchis 1 minute et j’appelle Pierre.  Je sais qu’il est en vacances ici en Thaïlande, basé a Bangkok, a 100 km au nord du port.  “Salut Pierre, je ne sais pas quels sont tes plans aujourd’hui mais tu pourrais venir en urgence a Laem Chabang avec ton passeport et visa Thai pour m’aider a dédouaner mon camion d’assistance d’une expedition de 3 mois qui démarre aujourd’hui ?..”. Apres mes quelques explications techniques, sa réponse est simple : “J’arrive”.

Deux heures plus tard, alors qu’on dépote le container de l’enfer pour libérer nos 11 motos, Pierre débarque au port en passager sur une GSA derriere son copain de Bangkok et rencontre Prayuth au Starbuck cafe du port pour faire les formalités en urgence pour Popeye. La bonne nouvelle est que c’est accepté. La mauvaise est que les douaniers bloquent le passeport de Pierre et lui rendront a la frontière Lao près de Chiang Kong une fois Popeye sorti de Thailande. Faut que je réfléchisse…

En attendant avec Bruno et nos 5 mousquetaires Thais on a sorti nos motos du four, chargé sur les 3 petits camions plateau et on est prêts a sortir. Je propose une idée a Pierre et son copain Olivier : “une fois les 3 camions sortis du port et motos dédouanées , je décharge 2 motos et on laisse filer les 3 camions vers Sukhothai. Nous on roule a 3 motos sur Sukhothai via Bangkok pour que vous preniez un petit sac de fringues et vous roulez avec nous 3 jours jusqu’a Chiang Kong avant la frontière pour récupérer le passeport de Pierre”

“Ok, c’est cool. On fait ca”..

Une heure plus tard on salut les 3 camions qui repartent vers Sukhothai avec Bruno, il est 15h30. On a 3 GS avec le plein, 530 km a faire pour Sukhothai et avec Bangkok a traverser dans le trafic sous 42 degrés. Un peu comme dans le film des Blues Brothers.. “ nous sommes en mission pour le seigneur !”.

Avec Pierre et Olivier, on a n’a jamais roulé ensemble, mais on est motards, ca devrait suffire. Olivier fait l’ouvreur car c’est le local de l’étape. On galère en riant pour rejoindre sa maison dans la fournaise de Bangkok, on fait une pause de 30 minutes pour preparer les baluchons, et j’en profite pur revenir mes troupes du changement de programme : “on arrivera tard, tout va bien.”

Juste avant la tombée de la nuit on attaque les 445 km restant pour rejoindre Sukhothai pour un long vol de nuit. Une fois la fourmilière infernale de Bangkok dans nos retros au bout d’une heure et demie, on fait ce qu’on sait faire. On roule. C’est assez fantastique ce pédigrée des motards qui sans se connaitre se mettent naturellement en formation patrouille, en quinconce avec une bienveillance mutuelle pour ne pas se perdre et se surveiller les uns les autres. On entame une sorte de ballet instinctif et ondulant dans le trafic devenu léger, qui nous fait progresser efficacement a 120 km , le corps décontracté, le regard alerte, et le sourire en coin. Olivier et Pierre sont de très bons rouleurs, prudents mais joueurs. Les heures passent, les kilomètres restant pour notre cible se consument comme des buchent dans la cheminée.

J’ai laissé énormément d’énergie dans le déchargement du container avec Bruno et la journée ayant commencé très tot, les réserves s’amenuisent. Pierre lui, qui n’avait pas prévu ce commando improvisé, a fait la java  toute la nuit a Bangkok et n’a dormi que 4 heures. D’ou vient cette énergie secrete qui permet a un motard de rester debout sur sa moto au delà du possible ? Le bruit motivant du moteur ronflant ? Cette formation en patrouille qui booste notre plaisir et nous entraine mutuellement ? La route qui défile dans nos visières de casque comme un film d’action sans parole ? En fin de parcours la route est large et déserte, on roule en formation serrée , debout sur nos cale-pieds pour rester éveillés, le casque dans les turbulences, le corps décontracté et bien calé.

C’est ainsi que notre trio arrive debout a l’hotel de Sukhothai, soulagés mais avec encore un peu de réserve. Je dois avouer que Pierre et Olivier m’épatent vraiment par leur esprit d’Aventure. Faire confiance a un type comme moi qu’ils ne connaissent pas pour confier un précieux passeport et partir en commando moto de nuit sur 530 km en Thaïlande et une virée jusqu’a la frontière du Laos avec une bande d’inconnus. Tout ca pour rendre service… Je dis chapeau les gars. Et MERCI !

Nos 2 bons samaritains Olivier et Pierre

Alors pour répondre a la question “faut il faire confiance a des personnes qu’on ne connait pas ?”, la réponse est simple : aimeriez vous que des gens qui ne vous connaissent pas vous fassent confiance quand vous en avez vraiment besoin ?..

L’Aventure c’est de sourire a l’inconnu.

EMB

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