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Long Way Home Asia 2019

Portrait de Bruno, technicien T3

Quand j’étais enfant je voulais devenir adulte le plus vite possible pour pouvoir faire des trucs de grands. Et j’ai très rapidement voulu faire de la moto. A 13 ans, mon père m’a aidé à acheter ma première moto, une Bultaco Lobito 125 cc. Puis dès que j’ai pu, j’ai fait des petits boulots pour pouvoir me payer moi-même ma première moto. J’étais tellement passionné par mon héro Jean Michel Bayle à l’époque, que je faisais un petit boulot de pompiste la nuit pour enfin m’acheter ma première Honda 125 CR. Ma vie a démarré autour de la moto. Mon premier emploi c’était dans une carrosserie moto. Puis en rentrant de l’armée, j’ai été embauché par Motokits, la plus grande concession moto d’Europe. Puis une fois la trentaine passée, via une collusion familiale, j’ai intégré la boite de mon père pour l’aider à la développer, dans la distribution de produits finis en chauffage et plomberie. On a construit un gros bâtiment pour la société et on est arrivés au niveau de développement d’une petite PME régionale d’Aquitaine.

Bien sûr, durant toutes ces années, je continuais ma passion de moto avec un titre de champion de motocross UFOLEP et autres bagarres du week-end sur 2 roues puis je suis monté en cylindrée pour me jeter à corps perdu dans les compétitions de sable. Dès que j’avais du temps libre, je passais des heures dans le sable d’Aquitaine pour me frotter aux meilleurs enduros de Baines, du Touquet ou d’autres. Pour moi, la moto c’était l’adrénaline, la compte, je n’avais jamais imaginé un jour me retrouver dans le monde du maxitrail…

Après un problème dû à un très mauvais associé qui nous a fait fondre les plombs de la boîte familiale, je suis reparti de zéro comme indépendant dans cette industrie de chauffagiste dans un mode d’esclavagisme, d’heures interminables, d’éloignement de ma famille à force de trop bosser et tard… Je suis devenu un zombi, j’étais perdu dans mon boulot jusqu’à ce Dimanche 31 Janvier 2016. C’était une belle journée, on devait célébrer le mariage de ma sœur l’après midi et je finissais l’encadrement de fenêtre dans la chambre d’une de mes trois filles. A cause d’une perte de concentration, avec la scie circulaire je me suis coupé la main et mes doigts sont tombés par terre.

Ça a été la chance de ma vie, un tournant et réellement un mal pour un bien. Un signe du destin est que la Clinique de la Main n’était qu’à 10 minutes de la maison. Ma femme Nathalie m’y a amené avec mes doigts dans un torchon. Je me rappelle de chaque minute de ce Dimanche là.

C’est un jeune chirurgien de 35 ans, Benjamin Sommier, qui m’a pris en charge. Il m’a greffé mes doigts et m’a pris un peu sous son aile pendant des mois… J’ai perdu ma boîte d’indépendant car personne pouvait faire mon boulot à ma place. Je me suis concentré sur la reconstruction de main. La douleur était insupportable, je ne dormais plus. Pendant plusieurs semaines, chaque mardi Benjamin me demandait si je voulais prendre le risque de garder mes doigts ou je préférais une amputation. Ma main était noire, je souffrais de septicémie aggravée. Mon père qui avait été amputé d’un doigt dans sa jeunesse m’a conseillé de me battre pour garder mes doigts. Février et Mars 2016 ont été horribles pour moi et mes proches.

Fin mars 2016, mon copain enduriste Olivier, qui ne connaissait pas mon problème de santé, m’appelle pour me dire si j’étais intéressé pour convoyer une moto R1200GSA de Istanbul à Paris en Septembre prochain. J’ai laissé un blanc et me suis dit qu’il y avait là peut-être un coup du sort. J’ai dit OK. Peu de temps après je rencontrais Eric Massiet du Biest au Nord de Paris dans la concession BMW Motoloft où il organisait le départ officiel de son Tour du Monde en GS de 6 mois. Il était très occupé et sollicité mais il a pris le temps de nous rencontrer Olivier et moi. Il a regardé mon bras bandé, en écharpe et sous attelle et m’a demandé : tu peux piloter une moto ? Je lui ai dit que oui, il m’a fait confiance. Apres cette rencontre j’étais sur motivé pour me rééduquer en suivant le blog et les images de ce Tour du Monde en GS. J’ai rien lâché. Le 15 septembre j’ai annulé mon congé maladie, j’ai pris l’avion et suis arrivé à Istanbul pour retrouver les équipages du GSWT16. L’après midi je remontais sur une moto pour la première fois depuis mon accident, pour aller laver des motos. Le soir j’ai appelé mon chirurgien Benjamin pour lui dire que même sans tendons, j’arrivais à serrer ma main à nouveau. C’est là que j’ai commencé ma deuxième vie. J’ai piloté cette grosse GS sans problème jusqu’à Paris, je gérais ma dextérité comme je pouvais.  J’étais trop content de découvrir cet univers incroyable de T3 Aventures.

Ensuite il y a eu une avalanche d’événements. Le projet du TRAVEL PARK de T3 est arrivé sur le terrain de Rigny Ussé en Touraine. Eric m’a sélectionné parmi les 10 veinards qui se voyaient offrir une formation BMW pour devenir instructeur officiel du TRAVEL PARK. J’ai décidé de faire de la moto mon métier une bonne fois pour toute. J’ai fait un prêt pour passer ma formation CQP à la FFM pour être instructeur diplômé d’état. Le projet du TRAVEL PARK a échoué avec BMW France mais ce n’était vraiment pas de notre faute. Eric m’a proposé de bosser avec lui chez T3 comme couteau suisse. Il m’a confié des missions d’instructeur de formation pilotage, de technicien, de préparateur moto, de logistique de fret et de conducteur officiel de son camion POPEYE sur les expéditions. En 2018 j’ai fait l’assistance technique des trois grands raids d’un mois chacun en Australie avec POPEYE.  C’est un camion extrêmement bien conçu et préparé. Il est très valeureux et efficace en toutes circonstances. J’essaye de faire corps avec lui, de l’avoir en main …. Je fais attention à lui, il fait attention à moi. C’est un mini mastodonte, le vaisseau amiral des grands voyages T3 comme cette incroyable expédition Long Way Home actuelle entre Bangkok et Paris. Même dans mes rêves je n’aurais imaginé avoir cette chance de vivre ça. Je reviens de loin…

Bruno

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